À l’occasion des 60 ans de l’association, des adhérents nous parlent de leur parcours et de ce que l’IFACI leur apporte concrètement. Serge Emango, chef de mission à la direction de l’audit interne de la BGFIBank République démocratique du Congo, parle des enjeux de la profession, des évolutions du métier et de l’importance qu’a jouée l’association dans son évolution professionnelle.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre rôle actuel ?
Serge Emango : J’ai fait des études de droit à l’université protestante au Congo, je suis juriste de formation. Après avoir effectué un stage dans un parquet et dans un établissement financier à Kinshasa, j’ai développé un intérêt pour le secteur bancaire. Ma première expérience professionnelle dans un environnement bancaire s’est déroulée à la BIAC (Banque internationale pour l’Afrique au Congo), avec un parcours dans les entités opérationnelles, avant de rejoindre le contrôle interne en 2010. Puis j’ai été recruté en 2013 par la BGFIBank, où j’ai d’abord été membre du dispositif de contrôle permanent, avant de rejoindre l’audit interne en novembre 2014. Je suis actuellement chef de mission, et, de fait, numéro 2 au sein de la direction de l’audit interne. Cette position m’a permis d’avoir une vision transversale des activités de la Banque, mais également de jouer pleinement le rôle de binôme du Directeur de l’Audit interne.
Avec mon background de financier et ma formation de juriste, le secteur bancaire et le métier d’auditeur m’ont permis de développer d’autres compétences telles que la compliance. Étant donné que l’activité bancaire est hyper normée, la démarche de l’audit doit toujours prendre en considération les aspects légaux et réglementaires, et en tant que juriste, je dirais que je suis comme un poisson dans l’eau. Je me sens à l’aise avec ces sujets, qu’il s’agisse de réglementation bancaire nationale, des normes internationales qui concernent le métier ou même lorsqu’il faut faire des rapprochements avec d’autres réglementations à travers le monde. Nous nous intéressons par exemple à la loi française sur la corruption, la transparence, la loi Sapin 2…
Quels sont les grands défis de votre métier aujourd’hui ?
S.E. : Jeciterais deux types de défi. Un premier d’ordre général, qui est le renforcement du système de contrôle interne. C’est d’ailleurs un défi que l’on retrouve dans tous les secteurs : banques, assurances, secteurs publics, les mines (l’un des secteurs importants au Congo), le pétrole ou les communications. Le renforcement de ce système suppose une vraie synergie avec les autres composantes de l’organisation, et l’audit doit travailler étroitement avec les autres maillons du système de contrôle interne.
Mais il y a aussi d’autres défis qui sont spécifiques à l’audit interne. Notamment celui qui consiste à aligner le plan d’audit avec les objectifs de l’organisation, en essayant de voir de quelle manière il peut, à travers son plan, contribuer à créer de la valeur ajoutée. C’est par rapport à cet objectif que l’audit peut mettre en évidence sa philosophie, sa vision : comment l’audit, à travers son plan de missions, pourra participer à la croissance de l’organisation et à la protection de son patrimoine.
« La force d’un auditeur, c’est le caractère transversal des connaissances qu’il a pu acquérir »
Comment votre profession a-t-elle changé ces dernières années ?
S.E.: La dernière fois que je suis venu à Paris, c’était en 2023, à l’occasion de la Conférence annuelle de l’IFACI. J’ai pu échanger avec certains collègues et eu l’occasion de prendre connaissance des nouveaux outils mis en place pour renforcer le travail des auditeurs : la digitalisation du métier s’accélère, avec une nécessité pour les auditeurs internes de s’adapter aux nouvelles technologies. Notamment avec des outils qui permettent d’identifier les risques affectant les objectifs d’une organisation, comme la cybercriminalité qui prend de plus en plus d’importance. Il est plus qu’urgent que le métier s’adapte à cette nouvelle donne.
Mais, d’autre part, il y a les aspects réglementaires que nous avons déjà évoqués plus haut. En effet, l’audit doit faire face depuis quelques années à une explosion de la compliance. Tous les secteurs de la vie économique sont touchés par la multiplication des lois et des réglementations ; et l’audit doit intégrer ses évolutions dans ses missions afin d’être en phase avec un des principes du COSO qu’est l’évaluation des risques.
Quelles sont les compétences indispensables pour réussir dans votre domaine ?
S.E. : Plus qu’une compétence spécifique, je pense que ce qui fait la force d’un auditeur, c’est le caractère transversal des connaissances qu’il a acquises au fil de ses missions. C’est ce qui fait que l’auditeur a une vision globale des activités de son organisation.
Qu’il s’agisse du secteur des assurances, des banques, des mines ou des télécommunications, l’audit interne est devenu un métier très ouvert, les auditeurs peuvent avoir une formation initiale de juristes, de comptables, d’économistes ou même de sociologues, le plus important est de savoir évoluer, d’avoir envie d’apprendre, de s’informer, d’échanger, de suivre des formations qui peuvent ensuite permettre de monter en puissance et de développer une certaine autonomie dans la réalisation des travaux .
En quoi l’IFACI vous apporte-t-il un soutien concret ?
S.E. : L’IFACI, pour moi, a été une bénédiction en matière professionnelle. Lorsquel’entreprise a décidé de nous faire adhérer à l’association, en 2018, cela nous avait donné accès à toute la documentation sur les métiers, aux conférences, aux webinars, à la possibilité d’échanger avec d’autres auditeurs autour des bonnes pratiques… Et nous avons pu bénéficier des formations de haut niveau proposées par l’IFACI. Tous ces éléments apportés par l’IFACI nous ont permis de monter considérablement en compétence.
Quelle est, selon vous, la valeur ajoutée de votre métier pour les entreprises ?
S.E. : En renforçant le système de contrôle interne, on peut protéger l’organisation des risques émergents dans les secteurs dans lesquels elle évolue. C’est-à-dire qu’un système de contrôle interne qui est efficace, efficient, permet à l’organisation de se protéger notamment contre des actes de fraude, contre des pertes, d’anticiper sur des éventuels contentieux avec les entités administratives, de mitiger les risques de pénalités ou de non-conformité…
Mais notre valeur ajoutée passe aussi par une bonne communication avec la gouvernance de l’organisation. À la BGFIBank RDC, à la fin de nos missions, nous organisons une réunion avec la direction générale, que nous appelons une réunion de closing. C’est à cette occasion que nous mettons à la disposition de l’organe exécutif les résultats de nos travaux, notamment certains détails sur des constats et des recommandations. La Direction Générale émet ses opinions de manière instantanée.
Nous avons également un comité de contrôle interne au cours duquel la direction générale, qui est présente, a accès, non seulement aux travaux de l’audit interne, mais aussi à ceux des autres organes de contrôle.Enfin, au sein du conseil d’administration, nous avons un comité d’audit qui est un autre instrument qui permet de communiquer sur le résultat de nos missions et sur nos recommandations. Nous avons donc un schéma qui est bien défini pour pouvoir faire passer les messages et reporter nos travaux auprès de la gouvernance.
« De plus en plus de jeunes embrassent ce métier en Afrique »
Parlons des défis et transformations que vous anticipez dans les prochaines années…
S.E. : Il y a bien sûr les aspects liés à la digitalisation que nous avons déjà évoqués précédemment et nous qui évoluons dans un secteur qui connaît une digitalisation accélérée, nous ne pouvons que nous adapter à cette nouvelle situation et aux nouveaux risques émergents, les plans de nos missions annuelles doivent de facto intégrer cette nouvelle donne.
Quel conseil donneriez-vous à un professionnel qui débute dans ce secteur ?
S.E. : J’ai toujours conseillé à mes stagiaires de ne surtout pas considérer le métier de l’auditeur comme un travail de policier, mais de se souvenir que les auditeurs et les opérationnels font tous partie de la même organisation.L’audit est avant tout un outil qui aide l’organisation à s’améliorer, l’audit sensibilise l’organisation afin que tout le monde puisse jouer sa partition dans les systèmes de contrôle interne. J’ai toujours fait de mon mieux pour faire comprendre aux plus jeunes que nous ne devons donc pas nous comporter comme des policiers ou considérer les opérationnels comme des ennemis, ou encore moins des proies. Nous avons besoin de leur implication. Ce sont des partenaires avec lesquels il faut composer pour faire avancer l’organisation.
L’autre conseil que je leur donne, c’est d’être patients. Je leur dis souvent de développer leur intelligence émotionnelle. Cela permet de faciliter une forme de négociation avec les opérationnels, de les mettre en confiance afin d’obtenir les informations les plus justes.
Un message pour célébrer les 60 ans de l’IFACI ?
S.E. : Je n’ai que de bons souvenirs avec l’IFACI. C’est une formidable plateforme qui doit continuer à exister parce qu’elle contribue beaucoup à l’évolution du métier. L’apport de l’IFACI dans mon évolution professionnelle a été significatif. La Conférence internationale est aussi un grand moment. En 2023, j’ai assisté à plusieurs ateliers. C’était vraiment enrichissant. Il y a de plus en plus de jeunes qui embrassent ce métier en Afrique et qui découvrent, lorsqu’ils deviennent adhérents, des sources formidables en termes de documentation, de formation… Alors, pourquoi ne pas organiser à l’avenir une conférence de l’IFACI sur le sol africain ?