60 ans de l’IFACI – « Il faut savoir changer de maison, de secteur d’activité, découvrir d’autres univers » Carole Marilossian, Directrice des risques et du contrôle interne

À loccasion des 60 ans de lassociation, des adhérents nous partagent leur parcours et les apports de lIFACI. Aujourdhui, Carole Marilossian, directrice des risques et du contrôle interne de la Fondation Partage et Vie, évoque les grands défis de nos métiers et le rôle que joue lassociation en soutien des professionnels.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre rôle actuel ?

Carole Marilossian : Je suis juriste de formation, ce qui n’est pas forcément commun dans nos métiers. J’ai d’abord exercé en tant que juriste pendant 8 ans au sein d’une filiale d’AXA. Puis, à l’occasion d’une mobilité interne après la fusion AXA-UAP, j’ai rejoint une petite équipe de contrôle interne. Je basculais dans une grosse entité d’AXA en France, avec un changement d’environnement.

À cette occasion, j’ai changé de métier et de culture, en passant du juridique à une culture d’organisation. C’était une petite équipe plutôt pluridisciplinaire, travaillant sur un périmètre assurance vie. C’était intéressant du point de vue du contrôle interne à cette époque, dans les années 2000, avec la réforme du Code monétaire et financier, la lutte anti-blanchiment… Nous étions en grande vigilance quant à nos réseaux commerciaux qui n’avaient pas été contrôlés depuis un certain temps. Nous devions travailler étroitement avec une équipe de la sûreté.

Et c’est à ce moment-là que j’ai été formée aux métiers de l’audit, à l’IFACI. J’ai ensuite rejoint l’audit interne d’AXA France, qui était une direction qui montait en puissance, comptant une trentaine d’auditeurs. En tant que juriste, je travaillais systématiquement sur le volet réglementaire de nos missions, sur un périmètre qui pouvait être très varié.

Vous avez tout de même choisi de changer de groupe…

C.M. : Oui : après presque 15 ans au sein d’AXA, je me suis dit que c’était quand même dommage de ne pas avoir d’autres expériences. Avec la montée en puissance de Solvabilité 2, il y avait sur le marché beaucoup de demandes de responsables de contrôle interne, de gestion des risques… Je suis donc partie chez GROUPAMA-GAN, pour une création de poste de Responsable Contrôle et Audit Interne. Un groupe intéressant, et aussi très différent d’AXA, même si s’il s’agissait toujours d’un groupe d’assurance. J’y suis restée 4 ans.

Et j’ai rejoint Europ Assistance à l’occasion d’une autre création de poste ; celui-ci regroupait le contrôle interne et la gestion des risques, en rattachement direct à la direction générale. L’assistance est une activité internationale, avec le rapatriement sanitaire, l’assistance automobile à travers le monde, où il fallait évoluer dans un environnement bilingue français / anglais. Ce poste s’inscrivait dans la nécessité du groupe de travailler à sa conformité à Solvabilité 2, suivant des axes de plus en plus techniques ; j’ai donc contribué à affiner et rationaliser la démarche de gestion des risques et de contrôle interne, pilier 2 Solvabilité 2, de manière à ce qu’elle corresponde au mieux aux exigences de marge de solvabilité déclinées en différentes familles : risques financiers, techniques, opérationnels, prévues par le pilier 1 de la règlementation Solvabilité 2.

« J’ai découvert dans la santé une culture risque très développée »

J’ai suivi en parallèle un MBA à Paris Dauphine pour me challenger. Il s’agissait d’un parcours assez exigeant, nécessitant beaucoup de travail. Je souhaitais, après 20 ans dans l’assurance, voir d’autres secteurs d’activité. Et c’est justement à ce moment qu’on est venu me chercher pour, à nouveau, une création de poste, au sein cette fois-ci de la Fondation Partage et Vie. Une vraie découverte du secteur médico-social, au sein d’une fondation qui est un acteur non lucratif. 

Il existe trois types d’acteurs : le public, le privé et le privé non lucratif, dont la Fondation Partage et Vie fait partie. Nous perçevons des dotations, soin et dépendance par les Agences Régionales de Santé et hébergement par les départements. Si les dotations soin et dépendance couvrent en principe tous nos coûts, les prestations hébergement ne les couvrent pas totalement. En conséquence, le résident et/ou ses proches doivent supporter un reste à charge qui varie selon que l’on s’adresse à un établissement public ou privé non lucratif ; le reste à charge est généralement moins élevé lorsque l’on s’adresse à un établissement public ou privé non lucratif, que lorsqu’il s’agit d’une structure lucrative car ce reste à charge, qui correspond à la prestation hébergement, équivaut souvent à une prestation hôtelière de type haut de gamme.

Ce mode de financement est, il faut le reconnaître, un peu complexe. J’ai découvert dans la santé d’autres référentiels de base et une culture risque très développée, notamment une démarche qualité qui est obligatoire et des certifications tous les 5 ans qui sont assez poussées. Nos autorités de contrôle sont différentes : les Agences régionales de santé (ARS) et les départements qui nous financent et qui nous contrôlent. 

Aujourd’hui, la Fondation Partage et Vie gère 137 établissements avec plus de 7 000 collaborateurs, exerçant des métiers qui, on va dire, ne s’improvisent pas. Nos métiers sont l’accueil des personnes âgées en EHPAD et en résidence autonomie, l’aide à domicile, l’accueil de personnes handicapées vieillissantes, l’accueil sanitaire et les soins de suite. Nous dialoguons en permanence avec des autorités publiques. Je suis membre du comité de direction, dans une structure où la culture est très collaborative ; le défi permanent des équipes du siège est de donner du cadre et de bons outils de travail à nos établissements, tout en leur laissant une certaine autonomie.

Quels sont les grands défis de votre métier aujourdhui ?

C.M. : Tout d’abord, je dirais qu’il s’agit de rester en veille. Nous avons des problématiques sociétales, réglementaires, et même culturelles. Au sein de la Fondation Partage et Vie, nous menons cette veille assez naturellement, d’autant plus que nous sommes sollicités par les pouvoirs publics. 

Il faut, à mon sens, tout en étant expert de son métier, bien comprendre les activités de l’entreprise ou l’on exerce pour rester en prise avec les opérationnels. Parce que l’on exerce une fonction support, il faut toujours avoir en tête, de façon obsessionnelle, l’objectif de notre plus-value pour ces acteurs opérationnels. Il faut également bien se positionner, car bien que l’on soit rattaché à la direction générale – ce qui est très valorisant – nous restons une direction support. Nous ne sommes pas des supers managers, ce qui implique de savoir rester un petit peu humble et parfois en retrait.

« Un secteur médico-social qui a été un peu chahuté ces dernières années »

Comment votre profession a-t-elle changé ces dernières années ?

C.M. : Si je mets de côté Solvabilité 2 pour la partie assurance, il y a tout de même eu une forte pression réglementaire avec notamment le déploiement de la loi Sarbanes-Oxley, qui a imposé des démarches très lourdes. D’ailleurs la SEC est revenue sur ses exigences, car cela devenait un peu délirant. 

On peut dire que les rapports institutionnels, Solvabilité 2 par exemple, qui impliquent du travail les premières années pour nos métiers, ont contribué à rendre le marché assurantiel plus transparent.

Sur le plan technologique, je reconnais que je ne suis pas encore trop au fait de tout ce qui concerne l’IA. Je vais bénéficier d’une formation interne et je reste en veille via l’IFACI pour tout ce que cela peut apporter dans le métier. Il faut toutefois rappeler que le souci de la confidentialité des documents de travail et des productions des métiers de l’audit peuvent constituer un frein évident à l’usage de l’IA.

Le secteur médico-social a lui aussi été un peu chahuté ces dernières années. Après les affaires, notamment Orpéa, nous avons assisté à des campagnes de contrôle inédites. Plus de la moitié de nos établissements ont été contrôlés. Je parle là d’inspection par les autorités de contrôle, que nous suivons rigoureusement, en partenariat avec la qualité, qui était historiquement en charge de ces questions. C’est cette direction qui prépare les établissements à ces contrôles.

Pour ma part, je contrôle nos établissements, à l’occasion d’audits d’établissement, un peu comme des audits de filiales, lors de leur changement de direction.

Quelles sont les compétences indispensables pour réussir dans votre domaine ?

C.M. : Je pense que c’est intéressant d’avoir une bonne base en gestion, même dans le médico-social, parce qu’il y a toujours des enjeux financiers. J’ai d’ailleurs suivi des formations peu après mon arrivée au sein de la Fondation Partage et Vie, pour bien maîtriser cette dimension. Je ne suis pas devenue une experte, mais j’ai acquis de bonnes bases. 

De manière générale, il faut comprendre comment fonctionne le business model du secteur, l’entité ou même un établissement. L’atout d’une formation juridique, même généraliste, est d’avoir un esprit assez analytique donc une appétence à acquérir une expertise.

Le plus, pour un auditeur, c’est de comprendre assez vite comment fonctionnent les choses. Et pour cela, il faut être intéressé par les métiers ; c’est ce qui me passionne… Il faut sortir, aller sur le terrain. La dimension relationnelle est donc très importante. Il faut savoir travailler en équipe, être pédagogue et avoir envie de transmettre. Enfin, j’ajouterai la rigueur, car il faut être capable de se plonger dans les dossiers pour émettre des constats qui tiennent la route.

En quoi lIFACI vous apporte un soutien concret ?

C.M. : J’ai commence par suivre la formation de base à l’audit interne.  J’ai eu la chance d’avoir Jacques Renard comme formateur, une personnalité étonnante et passionnante. Ensuite, j’ai participé aux réunions mensuelles, qui se tenaient à l’époque en présentiel. Au sein d’AXA France, lorsque nous avons travaillé sur la méthodologie, nous avons conçu une formation sur mesure avec des personnes de l’IFACI, au moment où les normes d’audit évoluaient. J’avais été associée à la démarche.

Et quand je suis entrée à la fondation, j’ai participé à un groupe de travail sur tous les métiers de l’audit, du contrôle interne et de la gestion des risques dans le monde associatif. Nous avons pu échanger sur les bonnes pratiques, avec des adhérents de Médecins du Monde et diverses ONG mais aussi de l’Agie (crédit solidaire) et de l’APAJH (handicap)…

Plus généralement, je suis très « cliente » de retours d’expérience et j’assiste aussi à des webinars sur des sujets qui m’intéressent. D’ailleurs, je trouve la nouvelle plateforme d’échange Workvivo beaucoup plus conviviale.

« Sur nos risques majeurs, je suis la vigie »

Quelle est, selon vous, la valeur de votre métier pour lentreprise ?

C.M. : Quand on est en création de poste, ce qui est intéressant, c’est que l’on mesure assez vite l’impact de notre métier. Je fais de la gestion des risques avec un travail régulier au sein de l’équipe de direction sur nos risques majeurs. On va dire que je suis la vigie. Nous travaillons vraiment en équipe sur ces problématiques. 

Parallèlement, je vais sur le terrain et je mène des audits, notamment de changement de direction. Ce sont des audits 360, lorsque le directeur d’établissement change. Je m’efforce de donner une photo assez détaillée de la structure afin d’éclairer aider le nouveau directeur sur les points forts et les points faibles clés. C’est également une très bonne façon de valoriser les équipes. Je suis en quelque sorte un support au directeur territorial, et cela fonctionne très bien.

Je pilote également un chantier de revue et d’amélioration de nos procédures support, avec un axe de développement du contrôle interne, que l’on fait un peu sans le savoir. La direction générale est très sensible à cette dimension. 

Quel conseil donneriez-vous à un professionnel qui débute dans ce secteur ?

C.M. : Tout d’abord, je lui rappellerai qu’il s’agit de métiers très intéressants intellectuellement, du fait de la réglementation et de la possibilité de s’approprier des activités. Sans pour autant devenir expert, ils permettent d’acquérir des connaissances, directement sur le terrain avec des gens du métier. Ensuite, il faut vraiment saisir les occasions des relations que l’on peut avoir avec des gens qui sont de bon niveau. Il ne faut pas hésiter à réseauter, à rencontrer un maximum de personnes, y compris en externe, à l’occasion de partenariats par exemple. Et puis après, il faut savoir changer de maison, de secteur d’activité. C’est enrichissant de découvrir d’autres univers. 

Un message pour célébrer les 60 ans de lIFACI ?

C.M. : Déjà, merci d’être là ! Je n’utilise peut-être qu’un dixième de ce que propose l’IFACI, mais que ce soit au niveau de la formation, des thèmes dont l’association s’empare, de l’accès à tous ces retours d’expérience, des échanges, du réseau… Après 60 ans, être toujours aussi présent, c’est formidable.