À l’occasion des 60 ans de l’IFACI, Béatrice Beaulieu, formatrice et coach, partage sa vision de l’évolution de l’audit et du contrôle internes. Entre intelligence artificielle et intelligence relationnelle, elle défend une approche collaborative où l’auditeur devient un véritable « partenaire d’affaires ».
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre rôle actuel ?
Béatrice Beaulieu : J’ai toujours évolué dans le domaine de la formation. Après avoir débuté dans le conseil en management, j’ai souhaité découvrir les entreprises de l’intérieur. J’ai ainsi intégré AG2R au début des années 2000, pour participer à une démarche qualité, puis on m’a confié la mise en place du contrôle interne. Suite au rapprochement avec La Mondiale, j’ai piloté l’intégration des méthodologies de contrôle des deux groupes.
En 2012, j’ai commencé à faire de la formation avec l’IFACI tout en poursuivant ma carrière chez AG2R La Mondiale. En 2019, j’ai quitté le groupe pour me mettre à mon compte. Aujourd’hui, je suis formatrice et coach professionnelle à plein temps, notamment pour l’IFACI, où j’anime des formations sur la communication orale et écrite, la négociation et le management d’équipe pour les auditeurs et contrôleurs internes.
Quels sont les grands défis des métiers que représente l’IFACI aujourd’hui ?
B.B. : Le premier défi est d’utiliser intelligemment l’IA, car elle offre des possibilités étonnantes pour ces métiers. Mais le principal enjeu reste de recentrer la valeur ajoutée de l’auditeur ou du contrôleur sur l’intelligence relationnelle. Il s’agit de faire évoluer la posture pour devenir un véritable « business partner » pour l’atteinte des objectifs de l’entreprise.
Pour les jeunes auditeurs notamment, le défi est de développer une manière d’être qui leur permette d’interagir efficacement avec leurs interlocuteurs. Il s’agit d’apprendre à co-construire les recommandations avec les audités : il faut savoir rechercher les causes des problèmes avec eux et les aider à faire émerger eux-mêmes les solutions pour qu’ils se les approprient. On passe ainsi d’une logique où l’audit dicte ce qu’il faut faire à une démarche collaborative.
« Les professionnels ont compris qu’ils doivent travailler sur leur attitude et leur communication »
Comment la profession a-t-elle changé ces dernières années ?
B.B. : Je constate une réelle prise de conscience. Il est désormais rare de rencontrer des auditeurs ou contrôleurs qui défendent une posture « autoritaire ». Même si la réglementation reste importante, la plupart comprennent qu’imposer des mesures uniquement parce qu’elles sont obligatoires n’est pas efficace. Les personnes concernées risqueraient de les contourner sans se les approprier réellement.
Les professionnels du risque ont compris qu’ils doivent travailler sur leur attitude et leur communication. En formation, ils sont désireux d’apprendre à partir des situations concrètes qu’ils rencontrent au quotidien. Ils prennent conscience qu’ils ont tendance à être parfois un peu trop rigides, car ce sont des métiers où l’on est d’abord cartésien, et qu’ils doivent apprendre à mieux prendre en compte et écouter leurs interlocuteurs.
En quoi l’IFACI apporte-t-il un soutien concret ?
B.B. : L’IFACI capte les besoins et apporte des solutions, que ce soit par les formations ou les réunions mensuelles et webinars. Les clubs de directeurs d’audit ou de contrôle permettent aussi des témoignages précieux sur les pratiques des uns et des autres. C’est la raison d’être de l’IFACI : fédérer ces métiers pour qu’ils s’enrichissent mutuellement.
Pendant le Covid, j’ai travaillé sur la transformation des formations en distanciel. Si ce format rencontre encore beaucoup de succès , les formations en présentiel sont revenues en force. Les participants expriment un vrai besoin d’échanger sur leurs pratiques, de créer des liens et de se rencontrer entre pairs.
« Il est crucial que les métiers de l’audit et du contrôle internes se parlent intelligemment »
Quelle est, selon vous, la valeur ajoutée des métiers d’auditeur et de contrôleur internes pour les entreprises ?
B.B. : Ils contribuent à mettre du lien là où il en manque et à développer la transversalité. Pour beaucoup d’opérationnels, tous ces métiers du contrôle se ressemblent et forment une épaisse couche au-dessus d’eux : contrôleurs internes, auditeurs internes, commissaires aux comptes, etc. : il est essentiel de donner du sens à ces contrôles. Car il faut reconnaître humblement que la France est une championne de la réglementation, avec un millefeuille de règlements dans tous les secteurs. Il est crucial que les métiers du risque, de l’audit et du contrôle internes communiquent entre eux pour éviter de travailler en silos, ce qui donne une image déplorable. L’enjeu est de viser ensemble la performance de l’organisation, pas de justifier l’existence de chaque métier de manière indépendante.
Quelles sont les compétences indispensables pour réussir dans les domaines de l’audit et du contrôle internes ?
B.B. : La capacité à rédiger ses rapports reste fondamentale. Mais de plus en plus, il s’agit d’être synthétique, concis, d’aller droit au but. Plus personne ne lit de longs rapports, surtout à mesure qu’on monte dans la hiérarchie. J’ai régulièrement des demandes d’entreprises pour aider leurs équipes à écrire de façon plus claire et synthétique.
Le nombre de recommandations est aussi crucial : il vaut mieux se concentrer sur l’essentiel, quitte à regrouper trois ou quatre recommandations en une seule pour être plus percutant.
À l’oral, auditeurs et contrôleurs doivent adopter une « posture basse » en considérant que leurs interlocuteurs connaissent leur métier. Il s’agit d’un jeu d’équilibriste : être en position d’expertise pour les aider à progresser, sans pour autant leur faire la leçon.
Quels conseils donneriez-vous à un professionnel qui débute dans ce secteur ?
B.B. : Profitez de votre temps passé dans ce métier, qui n’est pas forcément un métier que l’on fait toute sa vie, pour développer vos compétences. C’est un métier très complet pour comprendre le fonctionnement d’une organisation. Développez votre savoir-être : l’écoute, la capacité à questionner pour recueillir l’information. Développez vos aptitudes managériales quand vous êtes en situation de chef de mission. Ces compétences vous serviront dans tout ce que vous ferez ensuite. C’est un métier parfois difficile et ingrat, portant sur une matière pas toujours « sexy », mais mettez cet aspect de côté et développez vos compétences !
Avez-vous un message pour célébrer les 60 ans de l’IFACI ?
B.B. : 60 ans, c’est l’âge de la maturité ! Il y a encore plein de défis à relever, mais aussi toute une expérience accumulée. Je dirais « go, go, go ! » pour capter l’air du temps et se moderniser tout en gardant son identité. Il ne faut pas s’asseoir sur ses acquis en se disant que nous sommes les meilleurs professionnels. Il convient aussi de maintenir une certaine exigence, être moins dans la délivrance d’un message que dans l’écoute des besoins des personnes que l’on forme. Les formateurs doivent être davantage dans une posture d’accompagnement, s’adapter aux demandes tout en gardant cette connaissance du métier qui fait la particularité des formateurs de l’IFACI.